Budgétisation du recrutement

Dans le paysage économique actuel, le capital humain est de plus en plus reconnu comme un avantage concurrentiel fondamental. Le processus d'acquisition de talents ne peut plus être géré de manière ad hoc ; il requiert une planification rigoureuse et une allocation de ressources réfléchie. Le budget de recrutement est un plan financier proactif qu'une organisation adopte avant d'entamer tout processus d'embauche. Il englobe l'ensemble des dépenses des activités de recrutement, de la définition du besoin à l'intégration du nouveau collaborateur.  

Établir un budget est un exercice stratégique qui transcende la simple comptabilité. Il permet de définir en amont les ressources allouées, d'assurer une meilleure gestion des dépenses et d'aligner les ambitions du capital humain sur la stratégie globale de l'entreprise. Il est indispensable d'anticiper les recrutements à venir pour garantir la cohérence avec le budget défini et atteindre les objectifs fixés. Une budgétisation efficace est une pratique essentielle pour une gestion du capital humain proactive et une planification financière saine.  

Nous allons tenter dans ce article de déconstruire la notion de coût de recrutement, de présenter une méthodologie de budgétisation et de fournir des leviers d'optimisation. 

1. Décomposition du coût de recrutement

Le coût d'un recrutement est une somme complexe qui se décompose en deux catégories principales : les coûts directs, facilement quantifiables, et les coûts indirects, souvent cachés mais aux répercussions financières et opérationnelles significatives.  

1.1. Les coûts directs

Les coûts directs sont les plus visibles et constituent le premier poste de dépense. Ils sont directement liés aux actions et aux ressources mises en œuvre pour trouver, attirer et embaucher un candidat. Entre autres, nous avons :

  • Frais de diffusion et d'outils : Au burkina Faso, la publication d'une offre d'emploi sur un site spécialisé peut coûter entre 59000 et 254000 F CFA, selon la plateforme et la durée de l'annonce. À cela s'ajoutent les abonnements à des sites d'offres d'emploi, avec un coût annuel moyen de 654 000 F CFA. L'acquisition et la maintenance de logiciels de gestion des candidatures (ATS) représentent également une dépense notable. De même, les outils de visioconférence pour les entretiens à distance nécessitent un investissement (zoom , Teams etc) 
  • Coûts d'externalisation : Le recours à un recruteur externe ou à un cabinet de chasse de têtes pour les postes clés ou difficiles à pourvoir peut générer des frais substantiels, s'élevant à des centaines de mille. Pour des postes à haute responsabilité, les cabinets facturent généralement entre 15 % et 20 % du salaire annuel brut du candidat, un chiffre pouvant atteindre plus de 30 % pour les profils de haut niveau.  
  • Coûts des ressources internes : Le salaire des collaborateurs qui composent l'équipe de recrutement est une dépense directe, tout comme le temps qu'ils consacrent aux différentes tâches : analyse des besoins, rédaction de l'offre, tri des CV, organisation et conduite des entretiens.  
  • Frais annexes : Il est impératif d'inclure les primes de recommandation des employés ( pratiques connues dans certaines organisation), les frais de déplacement des candidats (incluant le transport et l'hébergement, même si le candidat n'est pas retenu), les coûts de participation à des événements tels que les salons de l'emploi et les forums écoles, etc  

1.2. Les coûts indirects : les dépenses "cachées" et leurs répercussions

Ces coûts, moins évidents, peuvent être bien plus importants que les dépenses directes. Ils incluent le temps et la productivité perdue qui découlent du processus de recrutement.

  • Le temps des managers et des équipes opérationnelles : C'est un coût indirect souvent sous-estimé. Les managers et les équipes opérationnelles sont fréquemment mobilisés pour la clarification des besoins, la sélection des CV et la participation aux entretiens. Ce temps est directement imputé à leur activité principale, ce qui peut impacter de manière significative la productivité de l'entreprise. 
  • Les frais d'intégration et d'onboarding : L'intégration d'un nouveau collaborateur n'est pas une phase gratuite. Elle génère des dépenses pour la formation, l'achat de nouvel équipement (ordinateur, outils, uniforme,..), les abonnements aux logiciels et autres ressources nécessaires pour une transition réussie.
  • La baisse temporaire de productivité : Un coût indirect des plus significatifs est la baisse de productivité durant la période de transition car non seulement le nouvel employé doit monter en compétence, mais les collaborateurs en place doivent également consacrer du temps à la formation et à l'encadrement, ce qui peut ralentir les projets en cours et réduire l'efficacité globale de l'équipe. Cette baisse de productivité est aussi à prendre en compte.  
  • Le coût d'un recrutement raté : C'est la dépense indirecte la plus lourde (personnellement je n’aimerais pas être à votre place). Un recrutement qui échoue engendre une cascade de répercussions : perte de productivité, désorganisation des équipes et nécessité de relancer l'intégralité du processus d'embauche.

2. Élaboration du budget : Les étapes clés d'une planification structurée

La construction d'un budget de recrutement réussi ne s'improvise pas. Elle repose sur une méthodologie rigoureuse, alliant analyse passée, prévision future et prise en compte des imprévus.

2.1. Analyse préliminaire : de la stratégie d'entreprise aux besoins en recrutement

La première étape consiste à aligner la stratégie de recrutement sur les objectifs globaux de l'entreprise. Il s'agit de répondre à des questions fondamentales : quelle est la trajectoire de l'entreprise (croissance, transformation....) et quels sont les enjeux RH majeurs (attractivité, fidélisation)?. Il est ensuite nécessaire de déterminer les objectifs de recrutement en identifiant le nombre de postes à pourvoir, leurs niveaux de séniorité, les salaires et les compétences requises pour chaque rôle. Cette estimation du volume d'embauches doit se faire en étroite collaboration avec les responsables de chaque service pour que leurs besoins spécifiques soient pleinement intégrés. Il est également crucial d'anticiper les remplacements nécessaires dus au turnover et aux départs prévus (maladie, retraite, congé maternité etc).  

2.2. Méthodes de budgétisation : approches traditionnelles vs. stratégiques

Deux approches principales peuvent être envisagées pour la budgétisation :

  • L'approche incrémentale (ou historique) : Cette méthode se fonde sur le budget de l'année précédente, avec des ajustements mineurs. Bien que simple, elle est souvent critiquée car elle ne s'adapte pas aux évolutions stratégiques et aux changements du marché.  
  • La budgétisation à base zéro (ZBB) : Cette approche remet les compteurs à zéro chaque année. Chaque dépense doit être intégralement justifiée en fonction des besoins et des coûts actuels, en ignorant les dépenses passées. C'est une méthode qui favorise la rationalisation et l'optimisation des ressources.  

Pour une approche plus précise, il est crucial de calculer le coût moyen d'un recrutement. La formule est la suivante :

Coût d'un recrutement moyen = (frais internes+ frais externes) /nombre de recrutements réalisés  

2.3. Prévisions et ajustements : une marge pour l'imprévu

Une fois le coût moyen par recrutement établi, le budget global pour l'année à venir peut-être projeter avec la formule suivante : Budget de recrutement = Coût d'un recrutement moyen x nombre de postes à pourvoir pour l'année à venir.  

Cependant, malgré une planification rigoureuse, les imprévus sont monnaie courante : démissions inattendues, défaillances technologiques ou opportunités spontanées. Il est donc indispensable de prévoir une enveloppe de contingence pour ces ajustements. Cette marge de flexibilité permet de prendre des décisions rapides et d'améliorer le processus de recrutement sans devoir renégocier le budget en cours d'année.  

3. Les facteurs de variation : comment le contexte influence le budget

Le budget de recrutement est loin d'être un montant uniforme. Il est fortement influencé par des facteurs contextuels, notamment la taille de l'entreprise et la nature des profils recherchés.

3.1. L'Impact de la taille de l'entreprise

  • PME et TPE : les petites et très petites entreprises sont confrontées à des difficultés de recrutement. Leur budget est souvent plus contraint et doit être géré avec une grande efficacité. Bien qu'elles n'aient que très peu de recrutements à faire dans l'année, la mise en place d'un budget reste une démarche indispensable pour gérer leurs dépenses limitées de manière optimale.  
  • Grandes entreprises : Elles disposent de budgets plus importants, mais font face à des processus de recrutement plus complexes. Elles peuvent se permettre d'investir dans des solutions technologiques avancées, comme des logiciels ATS sophistiqués, dont le coût annuel peut atteindre des centaines de milles.  

3.2. L'Influence du marché et du profil recherché

Le coût d'un recrutement varie considérablement en fonction du type de poste et de la rareté des profils sur le marché.  

  • Profils rares : Le recrutement de profils qualifiés et difficiles à trouver coûte plus cher sur le marché forte ((ne dit-on peut que ce qui est rare coûte cher ?). Pour ces postes, le délai de recrutement peut s'étendre sur 6 à 9 mois en moyenne, entraînant une désorganisation durable des équipes.  
  • Coûts par secteur : Certains secteurs d'activité, à l'image du domaine bancaire et assurantiel, investissent massivement pour sécuriser leurs recrutements.
  • Variations géographiques : Les disparités régionales influencent également les coûts. Par exemple, pour les multinationales ou les Groupes ayant des filiales dans plusieurs pays, les frais d'annonces et salaires peuvent être légèrement supérieurs dans certains pays que d’autres.  

4. Optimiser le budget et mesurer le retour sur investissement (ROI)

La simple maîtrise des coûts ne suffit pas ; il est indispensable d'évaluer la rentabilité de chaque embauche et d'optimiser les investissements.

4.1. Mesurer la performance à travers des indicateurs clés (KPIs)

Pour une gestion budgétaire rigoureuse, les professionnels doivent s'appuyer sur des indicateurs de performance.

  • Le coût par embauche (CPE) : cet indicateur se calcule en divisant les coûts totaux (directs et indirects) par le nombre d'embauches. Il permet de mesurer l'efficacité des processus de recrutement.  
  • Le délai de recrutement (Time-to-Fill) : Il mesure le temps moyen pour pourvoir un poste, et sa réduction a un impact direct sur la baisse de productivité et les coûts indirects.  
  • Le taux de roulement (turnover) : un taux de roulement élevé, notamment parmi les nouvelles recrues, est un signal d'alarme. Il indique que l'investissement initial a été perdu et qu'un nouveau cycle de dépenses doit être engagé.  
  • Le retour sur investissement (ROI) : le ROI mesure la rentabilité du processus de recrutement. Il évalue la valeur générée par le nouvel employé par rapport aux coûts engagés.

4.2. Stratégies pour une gestion budgétaire efficace

  • Développer la marque employeur : se positionner comme un employeur de choix attire les candidats passifs et peut réduire les coûts d'acquisition à long terme.  
  • Mutualiser et rationaliser les recrutements : regrouper les initiatives de marketing RH pour recruter plusieurs employés à la fois (recrutement en grand volume) permet de répartir les coûts sur plusieurs postes et d'optimiser les dépenses publicitaires.  
  • Automatiser les processus : L'utilisation de logiciels comme les ATS (Applicant Tracking Systems) ou les SIRH permet de gagner du temps et de l'argent en automatisant les tâches répétitives (tri des candidatures, envoi d'emails) et en centralisant les informations.  
  • Négocier et choisir les bons partenaires : négocier les tarifs avec les prestataires (cabinets) et évaluer la performance de chaque canal de recrutement sont des pratiques essentielles pour optimiser les dépenses.  

5. Technologie au service de la performance budgétaire

L'efficacité budgétaire dans le recrutement est indissociable de l'adoption d'outils technologiques modernes.

5.1. Le rôle des ATS et SIRH

Les ATS sont des logiciels de gestion de candidatures qui centralisent l'ensemble du processus de recrutement, du sourcing à l'intégration. Ils permettent d'améliorer la collaboration entre les équipes en offrant une plateforme centralisée de suivi des candidats et de commentaires. De plus, les ATS modernes fournissent des statistiques sur les performances de recrutement , permettant d'analyser la provenance des candidatures et d'identifier les sources les plus efficaces pour allouer le budget de manière efficient.  

5.2. L'intégration des outils de planification

Pour une gestion financière transparente, les outils de recrutement peuvent être intégrés à des logiciels de planification budgétaire. Cela permet un suivi en temps réel des dépenses et des flux de trésorerie, facilitant la prise de décision agile.  

L'automatisation n'est pas une simple commodité ; elle est un prérequis pour une budgétisation stratégique. La complexité du budget de recrutement, avec ses nombreux coûts directs et indirects, rend un suivi manuel lourd et sujet aux erreurs. En automatisant des tâches comme le tri des CV ou l'envoi de communications via un ATS , une organisation gagne non seulement du temps, mais surtout génère des données précises et fiables sur la performance de ses processus. Ces données sont indispensables pour calculer un ROI juste et pour justifier les investissements futurs à la direction, créant ainsi un cercle vertueux d'optimisation et de légitimité.  

Conclusion : Les bonnes pratiques pour une gestion financière du recrutement pérenne

Le budget de recrutement est un instrument de gestion stratégique qui permet de transformer une fonction de support en un investissement à fort rendement. On arrive à la conclusion que que le succès de cet exercice repose sur trois piliers indissociables :

  1. La rigueur méthodologique : Une approche proactive, qu'il s'agisse d'une méthode incrémentale ou d'une budgétisation à base zéro, est indispensable pour anticiper les besoins et les coûts. Le calcul précis du coût par embauche et du ROI est le fondement d'une gestion financière saine.  
  2. L'agilité contextuelle : le budget doit être une entité vivante, capable de s'adapter aux spécificités de l'entreprise (taille, maturité), du marché (rareté des talents, concurrence sectorielle) et des profils recherchés. Une marge de flexibilité est cruciale pour faire face aux imprévus.  
  3. L'excellence technologique : S'équiper d'outils performants comme les ATS n'est pas une dépense, mais un investissement qui rationalise les processus, automatise les tâches et génère des données fiables. Celles-ci sont essentielles pour la prise de décision, la justification des investissements et l'amélioration continue de la stratégie de recrutement.  

En adoptant une vision holistique des coûts, en se préparant aux imprévus et en s'appuyant sur des outils technologiques, Vous ferez du budget de recrutement un puissant levier d'attractivité, de performance et de croissance pour l'ensemble de l'entreprise.


Competence For All - Institute, la Clé des Compétences.

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